Antoine Ciosi est née en 1931 à Sorbo Ocagnano, petit village du Nord de l’île. Son père était une figure importante du village, un paysan « progressiste » qui portait haut et fort sa fierté d’être Corse et ses convictions politiques. Mort prématurément, il laisse une famille de sept enfants. Sa veuve, Jeanne, devient le pilier inébranlable du foyer. Antoine ne cessera de lui rendre hommage. Destiné à devenir lui aussi un homme de la terre, le jeune berger se prend de passion pour le chant.
Ses premiers souvenirs le ramènent au milieu des châtaigniers du moulin de son grand-père où il « donnait de la voix » avec émotion. Cette passion devient la clé de voûte de sa vie, sa raison de vivre. Quelques années plus tard, comme pour la plupart des jeunes Corses, le service militaire lui donne l’occasion de quitter l’Île pour “monter à Paris”. Il partage sa vie entre la caserne et les cours de chants qu’il peut désormais s’offrir.
Au milieu des années 50, alors prêt pour vivre sa passion, il est engagé au théâtre Mogador dans une opérette à grand spectacle, « Naples aux baisers de feu ».
S’ensuivent Sissi Impératrice, La Belle Hélène … dont le public parisien raffole à l’époque. Mais alors que les spectacles s’enchaînent, Antoine ne se sent pas dans son élément ; l’émotion n’est pas là. Il a pourtant atteint le but qu’il s’était fixé en arrivant dans la capitale : il chante tous les soirs devant un public conquis, il vit de son art (modestement, mais il en vit). Cela ne lui suffit plus. Il tente alors une carrière solo et, à force de ténacité et de persévérance, il signe un contrat chez Barclay. Il fait un premier succès pour le grand plaisir de sa maison de disques, mais il n’est toujours pas satisfait : il ressent un manque qu’il n’arrive pas à cerner.
En 1963, Bruno Coquatrix et Jacques Franchi, organisent à l’Olympia le premier festival de la chanson corse. Une chanson, en langue corse, oubliée au fond d’un tiroir, va devenir le déclic de la vie d’Antoine.
Alors étiqueté chanteur d’opérette, puis chanteur de variétés, il se présente néanmoins au concours. Cette chanson qu’il a choisie, il ne la chante pas seulement, il la vit sur scène et emporte avec lui tout le public qui lui fait une ovation.
Cette chanson « Paese Spentu », est l’émouvante histoire de ce village de montagne qui perd son âme au fur et à mesure que les habitants le quittent et illustre parfaitement la disparition programmée de la culture corse.
Le public ne s’y est pas trompé: l’interprétation d’Antoine est récompensée par le premier prix. Dès ce moment, Antoine Ciosi comprend que sa passion est la défense de son île, de sa culture, de ses traditions et que sa voix est son arme la plus efficace.
Les premiers succès s’enchaînent : U Tragulinu et le célèbre “Prisonnier”.
À partir de cette époque, Antoine consacre tout son temps à faire vivre cette culture qui menace de disparaître. Il parcourt son Île de village en village. Il rencontre les « vieux » qui connaissent la Corse comme personne, discute, écoute, partage des moments de la vie quotidienne. Avec quelques amis, il cherche à mettre en musique et en chanson cette culture paysanne que personne n’avait vraiment mise en valeur.
Lorsque le mouvement identitaire apparaît en Corse, dans le milieu des années 70, certains utilisent des moyens radicaux pour faire entendre leurs idées. Antoine lui, garde sa ligne pour défendre les thèmes liés aux profondeurs de la culture ancestrale. Par son intervention d’artiste, il soutient les jeunes qui revendiquent la réhabilitation de l’université de Corse : L’Università di Corti. La révolution n’est pas une histoire de fait d’armes mais bien un état d’esprit, celui qui anime ce fils de militant communiste depuis sa plus tendre enfance.
Au fil des années, Antoine Ciosi se fait l’interprète de chansons qui marqueront les esprits., comme celles des frères Vincenti ou de Tintin Pasqualini. Ses albums conceptuels, où chaque titre est précédé d’un petit texte parlé, connaîtront un grand succès. Il compose également, en compagnie de Philippe Marfisi, la musique de plus de 50 chansons. Il tourne aussi beaucoup. Sur l’Île d’abord, où ses concerts sur les places de village deviennent incontournables. Sur le Continent, avec des spectacles où les Corses et amis de la Corse viennent se ressourcer, (notamment récitals à l’Olympia en 1981, 1983 et 1986), et à l’étranger (Suisse, Belgique, Italie, Allemagne).
En 1989, il crée « Canti di a Libertà » (Les Chants de la Liberté), où il rend hommage aux Résistants corses qui ont fait de l’Île, en octobre 1943, le premier département libéré. En 2015, Il participe, en tant que conteur et chanteur, à l’album Corsu Mezu Mezu de Patrick Fiori.
Depuis le milieu des années 90, Antoine Ciosi a le bonheur d’être accompagné par son fils Jérôme (également accompagnateur de Thomas Dutronc), en qui il trouve un soutien indéfectible à tous ses projets artistiques.
Antoine Ciosi a su s’entourer d’artistes insulaires, écrivains, poètes, compositeurs et musiciens, tous animés par la même conviction. Après avoir chanté les mots des autres, Antoine a voulu adopter ses propres mots ; il a pris goût à l’écriture. Ainsi est né « Une Odeur de Figuier Sauvage », suivi de « Le Chemin des Sources Profondes », (Albin Michel) – « Chants d’une Terre » (DCL éditions) – « Una Mamma » (Livre disque en langue corse – Casa Editions) Prix du livre Corse en 2012 – « L’Étoile de Moïse Namani» (Editions Fior di Carta) bilingue Corse/Français, qui dévoile le lien fort qui existe entre Corses et Juifs, en retraçant l’épopée d’un jeune Juif de Palestine arrivé en 1920 Corse où il réalisera sa vie et dont le fils deviendra un homme d’affaires exceptionnel.
Après plus de cinquante ans de carrière, Antoine est toujours aussi passionné qu’au premier jour, mais les années sont là et il souhaite entamer son Ultimu Giru. Pour cette dernière tournée, il a décidé de s’entourer de ses amis de toujours et de ces nouveaux talents, qui porteront demain les couleurs de l’identité corse.